Recit de voyage. Mumbai - fev. mars 2006

[aurélia savery et irene fernández]
Passer plus d’un mois dans une mégapole comme Mumbai constitue une expérience enrichissante, tant du point de vu personnel que professionnel. Essayer d’y travailler en étant étrangères à la langue, à la ville, exige beaucoup de décisions et une certaine dose de folie. Les choses les plus normales et basiques (se déplacer, se loger, s’alimenter, se faire comprendre…) deviennent des défis qui paraissent par moments insurmontables. La fatigue, la chaleur, le bruit et la diarrhée n’aident pas à améliorer la situation. Les images de pauvreté absolue que l’on trouve partout, nous semblaient parfois insupportables.
Bien évidement, on passait de mauvais moments. La fatigue constante nous faisait par moments perdre la positivité. Si l’on perdait toute notre énergie tout simplement en essayant d’arriver d’un endroit à l’autre, comment est ce que nous allions faire pour être capables d’assaillir notre tache ? Il nous semblait que nous nous étions mises toutes seules dans un piège, mais dans les moments de désespoir, on finissait par en rigoler. Heureusement, nous n’étions pas toutes seules dans notre aventure, nous nous avions l’une à l’autre et de façon naturelle, l’une prenait le relais quand l’autre ne « pouvait plus ». Quand aucune des deux n’avait plus d’énergie, on ne se parlait pas, on se tenait de la main et on se concentrait tout simplement dans les taches devant nous : prendre le train pour rentrer en banlieue sans se perdre, sans tomber… Nous avons eu aussi l’aide de quelques bons copains indiens qui nous ont accueillis et aidés pendant tout notre séjour. Sans leur aide et les bons moments que nous avons passé avec eux, tout aurait été encore plus compliqué.
Pourtant, il ne s’agissait pas de notre premier séjour à Mumbai, mais cette fois-ci, on était toutes seules, tout dépendait de nous. Loin de nous faire se sentir mal, le sentiment d’indépendance nous a beaucoup soulagé et très rapidement nous nous sommes habituées à vivre dans le « rythme mumbaïte ». Nous étions fières de nos petites réussites, comme devenir expertes en trains bondées, être capables de s’orienter sans problème dans le chaos de la ville ou sortir des bureaux de l’administration (ou personne ne parlait anglais, ou rien n’était écrit en anglais) avec l’information dont on avait besoin.
Nous avions aussi été bien accueillies par les contacts que l’on avait sur place. Ils nous ont accordé de leur temps pour parler et donner de bons conseils. Ici, encore une fois, la langue (cette fois-ci l’anglais) nous a posé des problèmes et crée des frustrations à cause de notre impossibilité d’exprimer tout ce que l’on voulait. Mumbai nous a obligées à faire un exercice d’humilité et surtout à baisser les exigences que nous avions envers nous mêmes. Il nous a fallu nous rendre compte que ça ne servait à rien de nous sentir mal pour ce que l’on ne réussirait pas à faire. Chaque jour, nous avons fait tout ce que nous pouvions et pour le reste nous avons appris à dire quelque chose, peut être évident, mais qui n’a pas été facile pour nous : « tant pis ! ».
Grâce à nos rencontres, à la connaissance plus approfondie du terrain et à notre expérience du « vivre au jour le jour » à Mumbai, la naïveté, à propos de notre sujet, avec la quelle on était arrivée dans la ville, a été peu à peu remplacée par une sensation de « débordement » à cause de la complexité des problématiques à aborder. Aucun positionnement facile ni clair possible. Mais c’était peut être cela qui dès le début nous avait attiré…